Pomme dorée
26 novembre 2010 Laisser un commentaire
Je me retrouve couché dans ces longues herbes vertes mouillées, le nez dans la boue, les pieds sous un mètre d’eau sale. Il semble faire nuit et il pleut. Il pleut très fort et je renfonce dans la boue. Depuis combien de temps suis-je là? Depuis une heure, une journée, une semaine? Je ne sais pas, mais je sais que je suis détrempé, très sale et surtout, complètement nu. J’ai mal aux os, aux muscles et à la tête. Je suis incapable de bouger un simple membre sauf mes yeux pour admirer l’épave que je suis devenu. Pleins d’idées me tourmentent et cela n’aide pas à mon mal de tête. Il n’y a pas un son autour de moi, seulement la pluie battante tombant sur les herbes ruisselantes. Pas un seul son, jusqu’à ce que je vomisse, comme je ne l’avais jamais fait au par avant. Par un effort physique miraculeux, j’ai réussi à incliner ma tête pour libérer les surplus de mon estomac surement en pleine décomposition. Je crains le pire pour ma santé, il me manque surement quelques organes mais l’important c’est d’être en vie. Je ne suis peut-être pas vivant au fond. C’est peut-être un mauvais rêve. J’aimerais me pincer pour le savoir mais je ne peux bouger mes membres. En fait, je ne peux pas affirmer que je suis en vie tant que je n’ai pas bougé de cet endroit inconnu. Rêve ou pas, si je ne bouge pas d’ici, je vais mourir. Peut être pour la deuxième fois, qui sait, je suis peut-être mort et voila à quoi ressemblerait la mort? Si c’est ça, je préférerais retourner à mon ancienne vie. Drôle de situation, mon corps semble mort et ma mémoire est intacte. Il me manque cependant un événement majeur qui m’a amené jusque dans cet endroit mystérieux. Histoire cliché vous me direz, d’essayer de se rappeler des derniers événements mais c’est important pour moi de tout remettre en place dans mon cerveau.
-On part à la pêche mon ami! Et je sens que la récolte va être excellente !
Avant de partir dans mes pensés, j’entendis cette voix grogneuse et le bruit de branches qui cassent sous le poids de l’homme approchant. Je n’étais pas rassuré, depuis mon réveil je n’avais pas ressenti de peur mais à ce moment je craignais le pire. Quel genre de fou va pêcher sous une telle pluie en pleine nuit? Comme par hasard, il trébucha sur moi. Il se releva en grognant et il tassa les épaisses feuilles qui me recouvrent.
Il m’observa pendant un long moment. Le pêcheur semble obsédé par mon corps nu. Moi, j’essaie de ne pas le regarder pour ne pas risquer de vomir à nouveau. L’homme était d’une répugnance incroyable. Il est laid comme un chameau, même pire. Il est menu d’un énorme nez crochu et boursouflé et d’une longue chevelure crasseuse de couleur grise. Sincèrement, j’aimais mieux le moment de mon réveil quand j’avais mal partout que celui-ci. Un simple regard dans sa direction me donne la nausée et une forte irritation oculaire.
Il déposa sa vieille canne à pêche de bois et il se pencha vers mon visage. Je souffre de myopie et je n’ai encore rien vu de son visage horrifiant. Sa peau était couverte de cicatrices, de boutons et de verrues. C’en est trop pour moi et mes intestins fragiles. Je dois évacuer de nouveau. Je vomis sur la botte du pêcheur. Cela la rendit quasiment plus propre qu’avant. L’homme se leva brusquement et repartit du côté du quel il était arrivé. J’eus une lueur d’espoir lorsque je vis la canne à pêche restée sur le sol. L’homme allait revenir, surement pour venir me porter secours!
Effectivement, le pêcheur revint auprès de moi. Je n’avais pas bougé d’un centimètre. Il me prit rudement par les deux jambes et il me souleva de l’autre bras par la tête. L’odeur désagréable qu’il dégage me dérange plus que jamais, au point où j’ai dû me retenir pour ne pas vomir une troisième fois. Puis, il me déposa dans ce qui semblait être une brouette en métal. Nous commençons à rouler tranquillement. Je me cogne la tête à gauche et à droite, mes bras tombent de mon navire, impuissants. Il m’amène jusque dans une cabane de bois rond. Là dedans, j’ai failli mourir étouffé par la fumée de marijuana ambiante. Heureusement, nous sommes presque aussitôt ressortit et ma turbulente route a finalement prit fin lorsqu’Il a basculé la brouette. Je fus projeté sur un divan moelleux. Il retourna mon corps sur le dos et partit ailleurs.
L’ambiance de cette pièce est agréable. Un feu crépite près de mes pieds douloureux, quelques cadres sont affichés et une douce musique sort du tourne-disque posé sur la table basse. J’arrive maintenant à voir un peu partout autour de moi, mon cou arrive à bouger. Puis, des pas retentirent. Je m’attends à revoir le pêcheur malpropre mais à ma grande surprise, une ravissante femme sortit du cadre de porte avec un plateau. Elle me recouvra d’une douce couverture et s’assit au près de moi. La femme fit couler un liquide jaunâtre dans ma bouche jusque là paralysé. Elle caressa mes cheveux et me fixait de ses grands yeux bleus.
– Comment t’appelles-tu ? Me dit-t-elle.
-Kenny.
A ma grande surprise, j’avais réussi à parler pour la première fois depuis mon réveil. C’est surement le liquide qui m’a aidé.
-Bien. Répondit-elle. D’où viens-tu? Depuis combien de temps est tu caché dans la forêt?
– Je viens de San Francisco et je ne sais pas depuis combien de temps je suis là. Je ne sais même pas pourquoi je m’y trouvais.
-Bien. Raconte moi ta vie en générale jusqu’aux derniers événements qui te viennent à l’esprit. Le liquide étrange que je t’ai donné t’aidera à rester concentré.
-Il y avait tout pour plaire la bas. Ma chambre à coucher était majestueusement grande. Elle était d’un confort incroyable! J’y invitais souvent tout mes amis et on s’amusait en groupe comme des fous! Sinon, c’est eux qui s’invitaient entre deux de mes cours privés. Ils étaient toujours très impressionnés par la télévision haute définition 60 pouces en face de mon grand lit triple. J’avais tout l’espace désiré pour faire la fête et faire le fou. Il y avait un minibar, une boule disco, des hauts parleurs d’une centaine de milliers de watts selon moi! On pouvait même jouer au hockey lorsque papa n’était pas à la maison! Moi et mes amis sortions des bâtons de sous mon lit et on jouait directement dans ma chambre!
Ma chambre, c’était là où je passe la plupart de mon temps. Mon père avait donc convenu de la meubler et de la décorer le mieux possible pour le bien-être de son fils unique. J’appelais cette pièce l’aréna car elle était parfaitement décorée ; des vieux trucs par rapport au hockey étaient accrochés sur les murs et on pouvait voir sur le tapis plusieurs logos d’équipes professionnelles. Mon père était un grand fanatique de hockey et il avait prit la liberté de décorer ma chambre à son goût mais cela me convenait parfaitement. En plus de la thématique du hockey, ma télévision était entourée de consoles de jeux vidéo et de piles de jeux. J’aime bien y jouer après quelques heures d’apprentissage! J’avais appris à jouer au hockey avec mon père qui avait beaucoup de temps libre. On allait patiner à l’aréna de San Francisco, sa ville natale. On jouait parfois devant les portes du garage. Ce n’était pas la meilleure région pour jouer au hockey mais j’aimais quand même y jouer. En Californie, les patinoires se faisaient plutôt rares et le nombre de joueurs était minime.
Papa me répétait souvent qu’il n’aurait jamais cru avoir autant de temps libre pour lui en étant le président d’une compagnie internationale ; Apple. Oui, j’étais riche. En fait, seulement mon père l’était mais depuis le départ de ma mère il y a cinq ans, mon père n’hésitait plus à partager sa richesse avec son fils bien aimé. Le moment du départ de ma mère avait paru si rapide telle une seconde, une minute, une heure! Elle est partie sans avertissement, comme un lion attaquant sa proie!
Mon père voulait que je puisse devenir comme lui un jour, c’était pour cela que j’avais un professeur privé, à la maison. C’était un vieux barbu. On aurait dit un sage d’une centaine d’année. Je me demandais pourquoi il travaillait encore. Moi, j’aurais déjà été à la retraite à sa place! J’apprenais assez rapidement mais les études ne m’intéressaient pas. Il faut dire que le vieux sage m’aidait énormément et il me motivait à travailler. C’était surement le meilleur professeur au monde. Mon père devait surement le payer avec des lingots d’or! Je me disais que cet homme pouvait faire de petits miracles alors je fournissais toujours un effort moyen pour avoir le temps de m’amuser. C’est ce que je savais le mieux faire après tout! Et ma chambre est là pour m’aider à y parvenir.
-C’est tout ce que tu te souviens?
-Oui, tout à fait, répondis-je, et où suis-je présentement?
-En Louisiane.